Les Capitalistes Anonymes

Ensemble vers la Sobriété


Le National Institute on Drug Abuse (NIDA) à Washington définit l’addiction comme « une maladie chronique caractérisée par une recherche et un usage compulsif, ou difficile à contrôler de drogue, en dépit de ses conséquences nuisibles ».

Si on remplace le mot drogue par celui de récompense (qui correspond à l’état recherché lorsqu’on utilise des drogues), la définition peut très bien s’appliquer à des comportements sociaux associés à des recherches collectives de récompenses dont les effets sont notoirement nuisibles. On pourrait citer par exemple la surconsommation marchande, l’optimisation extrême des activités économiques, l’élimination systématique des sources de déficit, la mise en concurrence généralisée des individus, l’accélération de la course à l’argent et au succès, l’usage compulsif des technologies, la sur-utilisation des ressources naturelles, l’extension et la numérisation des pratiques de surveillance… 

Or, tous ces traits sont typiques de la forme de capitalisme qui s’est imposée ces dernières décennies et qui ne cesse de tisser autour des écrans, des biens marchands, des plaisirs et des loisirs, un réseau de plus en plus dense de dépendances à la fois désirées et douloureuses. Douloureuses, dans le sens où elles nous font franchir progressivement, et en toute conscience, toutes les limites écologiques et biologiques de notre Planète.

Nos comportements sont donc très proches des comportements addictifs. Forts de ce constat, Les Capitalistes Anonymes étudient les méthodes de rétablissement mises au point contre l’alcool, la drogue ou le jeu…


Les Alcooliques Anonymes utilisent le terme recovery, qui signifie rétablissement, pour cibler l’état recherché lorsqu’on lutte contre une addiction.

Dans le cas des addictions sévères, il est rare d’aboutir à une guérison complète au sens de la disparition du désir pathologique poussant à retourner sans cesse vers l’objet addictif, malgré ses conséquences négatives.

Il est cependant possible de « vivre avec » ce désir compulsif en contenant son emprise. Cela en changeant d’environnement ou de relations, en évitant les situations propices à son déclenchement quotidien et surtout en trouvant de nouvelles sources de satisfaction capables de prendre le pas sur celles qui ont conduit au développement de l’addiction.

Dans nos sociétés contemporaines capitalistes, cette méthode pourraient s’appliquer à différentes problématiques telles que :

  • l’incapacité à réduire son empreinte carbone individuelle,
  • la course aux profits en dépit de toute limite sociale et environnementale,
  • les emballements spéculatifs des banques et organismes financiers,
  • la consommation de viande à outrance malgré ses impacts sur le climat et la santé,
  • l’appropriation des données personnelles et de la charge mentale par le numérique.

Ces différentes « pathologies » sociales offrent une parenté avec les addictions dont elles partagent l’impossibilité d’endiguer des pratiques dont tout le monde s’accorde pourtant sur les conséquences nuisibles : réchauffement climatique, extinction progressive du vivant, surproduction de déchets et de pollutions, destruction des ressources naturelles, surexploitation du travail, inégalités de la répartition des richesses, marchandisation et colonisation de l’intimité par les enregistrements numériques – en plus des addictions proprement dites de certains utilisateurs.


Le rapport collectif à la destruction de notre planète est typique d’une situation addictive puisque, en dehors des climato-sceptiques, personne ne doute qu’elle résulte d’une activité humaine incompatible avec la préservation de l’environnement et du vivant.

Or, malgré les réunions internationales et les proclamations officielles multiples, les sociétés se montrent toujours incapables d’inverser le processus qui conduit à ce type de conséquences, un peu comme un alcoolique toujours incapable de tenir sa promesse récurrente : « demain j’arrête ! ».

La catastrophe climatique et environnementale n’est toutefois que l’aspect émergent de deux points :

  • Une apathie plus ou moins complice de gouvernements incapables de résister aux pressions des groupes industriels et à leurs stratégies de croissance économique.
  • Un enracinement de pratiques écologiquement et socialement nocives dans des habitudes de vie dont tous les habitants sont partie prenante. Cela par le simple fait d’utiliser des automobiles, des conditionnements plastiques, des voyages en avion, des marchandises à bas coût, des services bancaires, des réseaux électroniques, trop d’aliments carnés ou des produits à base de pesticides venant de l’autre bout du monde.

La critique classique de la « société de consommation » avait déjà pointé cette implication des habitants dans les pathologies de la société. Cela sans noter que les motivations à consommer, comme du reste celles à produire ou à commercer, reposent sur des mécanismes du désir enracinés dans des dispositifs neurophysiologiques ancestraux, en particulier ce qu’on appelle le circuit neurologique de la récompense, activé par toutes les occasions de plaisir ou de satisfaction.

Suivant la psychologie évolutionniste, ces dispositifs auraient été générés par les contraintes de survie de l’évolution naturelle qui ont rendu hautement désirables non seulement les aliments et les abris, mais aussi les attachements parentaux, sexuels et sociaux.

Toutefois, ces dispositifs peuvent aussi être stimulés par des offres qui n’ont pas du tout la même valeur, mais sont capables de susciter des désirs dont l’intensité et la répétition induisent au contraire des dérèglements neurologiques durables. C’est le cas en particulier de l’alcool dont les usages incontrôlés peuvent « pirater » ces dispositifs et provoquer les symptômes addictifs classiques tels que le désir extrême, l’usage compulsif, le manque, la tolérance, le sevrage…

Mais c’est aussi le cas des objets de consommation courante et des offres de gain et de succès que le capitalisme contemporain a su multiplier comme jamais aucun régime économique n’avait su le faire avant lui, stimulant de façon incessante et compulsive les dispositifs humains de la récompense par ses promesses, son marketing, ses publicités et techniques d’enrôlement.


La propension naturelle des humains à rechercher des plaisirs et des satisfactions s’est ainsi trouvée confrontée à des formes de vie sans rapport avec celles qui l’avaient générée. Dans vie courante, la recherche des récompenses, dont la fonction adaptative est en principe avérée, s’est mise à produire des effets de plus en plus contre-adaptatifs avec la surproduction industrielle, la surconsommation marchande qui détériorent irrémédiablement l’environnement naturel et avec l’optimisation économique illimitée qui détruit des formes de vie sociale bien établies sans offrir d’alternative viable. Cela en particulier dans les pays pauvres où la majorité des emplois ne sont pas considérés comme « décents », suivant les catégories de l’Organisation Internationale du Travail.

Quant aux pays et aux habitants les plus riches de la planète, ils souffrent d’une sorte de détournement permanent de leur désir tel qu’il avait été fabriqué par l’évolution naturelle, désormais pris en otage par des objets qui, en même temps qu’ils les satisfont, leur offrent le sentiment de contribuer à une sorte de naufrage collectif inéluctable, sur le modèle des usagers de drogues contraints à prendre régulièrement leur dose alors qu’ils sont convaincus du caractère indésirable, voire de l’issue fatale de cet usage.

C’est pourquoi, lorsqu’on se préoccupe de réformer la « société de récompense » telle qu’elle vient d’être décrite, c’est bien de « désintoxication » qu’il s’agit, et non pas seulement de prise de conscience, comme le pensaient les critiques de la société de consommation. Et si l’intoxication est vraiment profonde, il faudra sans doute, faute de guérison complète, se contenter d’une « politique de rétablissement ».

C’est l’ambition portée par Les Capitalistes Anonymes.

Notre éducation que cela soit à l’école, familiale et environnementale nous pousse quoi qu’il arrive vers le désir de posséder, de consommer pour en retirer de la satisfaction. De manière inconsciente, nous avons été conditionnés par notre société et il est extrêmement difficile aujourd’hui d’imaginer vivre autrement ! Et pourtant petit à petit et de plus en plus vite, nous détruisons notre planète.

Julien – Fondateur des Capitalistes Anonymes